Je vais couper court à cette question! Le rôle premier d’un apiculteur est de prendre soin de ses abeilles… Ainsi, il doit veiller à ce qu’elles ne manquent pas de nourriture et, en cas de disette, lui en fournir. Cela s’appelle le nourrissement, terme spécifique à l’apiculture! Le nourrissement se définit comme le nourrisage (c’est-à-dire la fourniture de nourriture) des abeilles d’une ruche.
Certains sont étonnés que l’on doive nourrir les abeilles. Pourtant, il s’agit d’une pratique tout-à-fait normale et élémentaire pour tous possesseurs d’animaux ! Les abeilles devraient-ils être une exception? Faudrait-il laisser mourir de faim des colonies d’abeilles sous prétexte que ce n’est pas « naturel »?
Il existe différents types de nourrissement, avec des objectifs différents, détaillés dans l’article ci-dessous. Personnellement, je ne pratique pas les nourissements dits « stimulatifs » et je ne nourris les colonies que lorsqu’elles risquent de manquer de nourriture (ex : hivernage ou jeune essaim). Malgré tout, même si je ne les pratique pas, les nourrissements « stimulatifs », visant à augmenter la production de miel de la ruche, ne sont, à mon sens, pas choquants, tant qu’ils sont faits dans le respect des abeilles… et des consommateurs (v. nourrissement de stimulation)!
Pourquoi nourrir les abeilles?
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles l’apiculteur effectue un nourrissement :
- en cas de famine, nourrissement de secours
- dans le but de stimuler la colonie
- pour « fixer » un essaim dans sa nouvelle ruche
- en préparation à l’hivernage
Comment nourrir les abeilles?
La nourriture fournie est toujours composée essentiellement de sucre mais sous différentes formes et différentes concentrations :
- du sirop 50/50 (sirop de sucre, dont le poids d’eau est équivalent au poids du sucre)
- sirop 70/30 (sirop avec 70% de poids en sucre et 30% d’eau ; c’est un sirop fortement concentré en sucre qu’on appelle « sirop lourd »)
- sirop dilué (avec 10, 20 ou 30% de sucre ; sirop peu concentré en sucre)
- candi (sorte de pâte de sucre)
- pâte protéinée (candi dans lequel des protéines sont ajoutées, du pollen ou d’autres protéines naturelles)
Le sirop est versé dans un nourrisseur, qui se trouve généralement au-dessus de la colonie, afin que les abeilles n’aient plus qu’à descendre ce sirop dans le corps de la ruche. Le candi peut directement être posé sur les cadres puisqu’il se présente sous forme de pâte.
Le nourrissement peut aussi se faire avec des cadres remplis (miel + pollen), que l’apiculteur aura précédemment récoltés (et correctement stockés.
Famine
Lorsque la ruche est en famine en saison (manque flagrant de nourriture, avec la mort de la colonie proche), il est du devoir de l’apiculteur de nourrir cette colonie immédiatement! Ensuite, il doit chercher la cause de la famine. Si son origine vient d’une mauvaise gestion de la nourriture par la colonie, il faut remplacer la reine de la colonie. En effet, ça signifie que cette colonie n’est pas capable de bien gérer le stock de nourriture et il n’est donc pas bon de les maintenir artificiellement (en + de l’impossibilité pour ce genre de colonies de vivre sans l’Homme, pour l’apiculteur, ce genre de colonies nécessitera d’être sous perfusion constamment). Par contre, si la famine est liée à un évènement spécifique (ex : plusieurs semaines de mauvais temps en tout début de saison alors qu’elle avait déjà commencé, essaimage, etc), le nourrissement de la colonie, avec du candi (éventuellement avec de la pâte protéinée s’il n’y a pas de réserve de pollen ou avec du sirop 50/50 en faisant attention à ne pas le retrouver dans le miel récolé!), permettra un redémarrage de la colonie et elle s’en remettra rapidement.
Causes
En fin d’hiver, il arrive fréquemment que la colonie soit proche de la famine. Les raisons peuvent être multiples :
- réserves insuffisantes avant hivernage
- hiver ne finissant plus
- colonie ayant consommé plus que normalement (!! il faut en chercher la cause!)
Quand les colonies doivent être nourries en fin d’hivernage, on le fait avec du candi (ou pâte protéinée), permettant de palier à l’absence de miel dans les cadres. L’avantage du candi par rapport à un sirop 50/50 est que le candi s’apparente pour les abeilles à du miel, c’est-à-dire de la nourriture qu’elles auraient stockée, tandis que le sirop est assimilé à du nectar. Ainsi :
- les abeilles ne doivent pas transformer le candi avant de le manger
- ça ne les stimule pas, les abeilles ne « croyant » pas à une miellée
- le candi, de par sa texture, peut être posé directement à proximité de la grappe d’abeilles (en cas de températures très faibles, la grappe d’abeilles ne peut pratiquement pas se déplacer)
- le candi sera consommé et non stocké dans les alvéoles ; il n’y a donc aucun risque qu’on en retrouve dans le miel
Ainsi, le candi est à utiliser lorsque les températures sont froides (hiver) ou en tout début de saison, pour ne pas faire croire à une miellée inexistante et ne pas stimuler la colonie.
Nourrissement de stimulation
Le nourrissement de stimulation consiste à donner du sirop faiblement concentré (50/50 maximum mais préférable du 20 ou 30%) de façon périodique (par exemple quelques centaines de millilitres tous les jours ou 500 ml tous les 3 jours) dans le but de simuler une miellée, ce qui aura pour effet de faire pondre la reine de façon très importante. Cela se pratique généralement en début de saison (mars-avril) ou 5-6 semaines avant une miellée attendue. Cela permet ainsi d’avoir une ruche hyper vaillante, avec de très nombreuses butineuses pour le début de la miellée, prêtes pour la récolte du nectar. Par contre, ce nourrissement spéculatif engendre un grand risque d’essaimage (où une partie des abeilles quitte la ruche pour fonder une nouvelle colonie). Particulièrement en cas de miellées attendues qui n’arrive pas. Et s’il y a essaimage, le nourrissement aura été complètement contre-productif!
Personnellement, je ne pratique pas ce nourrissement « stimulatif » pour plusieurs raisons :
- laisser la nature évoluer à son rythme
- dans nos régions, le début de saison (au mois d’avril) correspond à une période où les abeilles trouvent sans aucune difficulté des ressources (si la météo n’est pas exécrable bien sûr). Avec cette profusion, le risque d’essaimage est déjà important, autant ne pas en rajouter!
- en stimulant avec du sirop, il y a un risque important de retrouver ce même sirop dans le produit récolté (et de se retrouver avec du miel frelaté… involontairement ; des analyses montrent qu’il y a énormément de cas, y compris chez les « petits » apiculteurs !)
Nourrissement destiné aux essaims
Les nouvelles colonies (venant d’un essaimage qu’il soit naturel ou artificiel) consomment beaucoup de ressources. Une carence dans cette période critique n’est pas bonne et habituellement, lors de l’enruchement d’un essaim, l’apiculteur nourrit la colonie. Ceci permet aussi à la colonie de bien se sentir dans sa nouvelle ruche (« fixer » la colonie), même si sans nourrissement, les désertions sont assez rares si l’environnement et le matériel est adapté! Ce nourrissement se fait idéalement avec des cadres remplis, qui contiennent généralement aussi du pollen mais il peut se faire également avec du sirop 50/50. Pour pouvoir utiliser des cadres remplis de miel et de pollen, le défi pour l’apiculteur est d’en avoir en saison! Pour cela, ils en enlèvent à des moments propices dans des colonies fortes et les stocke en chambre froide ou au congélateur (le pollen moisissant rapidement hors de la ruche à température ambiante).
Nourrissement pour l’hivernage
Une colonie d’abeilles va consommer entre 15 et 20 kg pour passer l’hiver (en fonction de la force et taille de la colonie et de la dureté de l’hiver). Etant donné l’absence de ressources à cette période (les températures étant de toute façon trop basses pour les abeilles ; c’est d’ailleurs une relation de cause à effet directe…), il faut que cette quantité de nourriture soit présente dans la ruche avant cette saison. Si ce n’est pas le cas, l’apiculteur doit donner du sirop lourd (70/30) afin que les réserves soient suffisantes. Cela doit se faire suffisamment tôt (mi-septembre au plus tard) car le travail de mise en rayon et d’assèchement nécessite de l’énergie pour les avettes. En effet, le sirop 70/30 contient 30% d’humidité et le miel moins de 20%, les abeilles doivent donc encore diminuer l’humidité du sirop avant de le stocker (d’où l’importance d’utiliser du sirop lourd). De même, une transformation du sucre doit se faire, transformation qu’on appelle « invertase ». Si ce travail peut être effectué par les dernières abeilles d’été, c’est donc préférable!