Mise en hivernage

La mise en hivernage des colonies d’abeilles consiste à mettre tout en œuvre pour qu’elles survivent à l’hiver, période critique pour elles, où les faiblesses des colonies peuvent être fatales. Les mesures portent sur :
– la quantité et la qualité de la nourriture
– la vigueur de la reine (qualité et quantité de ponte)
– l’absence de maladie (dans le cas du varroa, on parlera plutôt de faible pression, dans la mesure où il est présent dans toutes les ruches).
Ces mesures se font en réalité tout-au-long de la saison apicole mais après la dernière récolte, il faut préparer ses colonies pour la saison prochaine, en commençant la mise en hivernage le plus tôt possible (et donc en récoltant tôt). En Belgique, la dernière récolte a lieu généralement entre début juillet et la mi-juillet, mais il est possible d’avoir des récoltes plus tardives dans certaines régions, en fonction des cultures ou de l’écosystème. Une mise en hivernage précoce (avant août) permet d’avoir des colonies prêtes à affronter l’hiver. En cas de récoltes tardives, il est parfois trop tard pour intervenir et aider les colonies dans leur préparation à l’hivernage. 

Hivernage sous forme de grappe, la chaleur comme enjeu

Durant l’hiver, les températures extérieures étant trop faibles, les abeilles restent à l’intérieur de leur ruche, et se regroupent sous forme de grappe, sorte de boule d’abeilles. Bien sûr, les rayons de cire s’intercalent au sein de la grappe mais, si l’on fait abstraction de ceux-ci, la grappe forme une boule (taille variant d’un ballon de handball à un ballon de basket en fonction de la force de la colonie, composée à cette période de l’année de quelques milliers d’abeilles à 10-15 000). Ce regroupement permet aux abeilles de se réchauffer, si bien que la température de la boule peut être de 35 °C en son centre (pour permettre le développement du couvain) à 12°C à peine à l’extérieur de la grappe. A 12°C, les abeilles sont amorphes et ne peuvent quasiment plus bouger. Pour maintenir cette température minimale sur l’extrémité de la grappe, les abeilles au centre contractent les muscles de leur thorax, muscles servant habituellement à faire battre les ailes. Cette contraction n’entraine qu’une légère vibration des ailes mais permet d’émettre de la chaleur. Les abeilles se relaient pour ce travail, les abeilles au ralenti de l’extérieur de la grappe prenant la place des abeilles au centre et inversement. Ce travail nécessite une grande énergie et c’est dans le miel qu’elle la puise ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les abeilles font du miel : Avoir une source d’énergie disponible en hiver. La plupart des autres insectes sociaux hibernent seuls (comme les guêpes ou les frelons par exemple, où seules les jeunes reines fraichement fécondées vont passer l’hiver et créer une nouvelle colonie au printemps) ou ralentissent fortement leur activité (le cas des fourmis ou des bourdons, sous terre, à une profondeur où la température permet leur survie au ralenti, donc avec une faible consommation d’énergie ; on appelle cela la diapause). Les abeilles n’hibernent donc pas, mais hivernent. La période s’appelle l’hivernage ; la mise en hivernage consiste donc à préparer la colonie à passer l’hiver sans encombre.

cadre hivernage

Beau cadre situé au centre de la ruche ; on y voit un beau rond de réserve (en cours d’operculation), quelques alvéoles avec du pollen (jaune et orange ; il n’y en a pas énormément mais les réserves de pollen sont souvent situées en rive) et une très belle ponte (zone au centre, laissée libre par les abeilles pour la ponte de la reine ; lorsque les oeufs écloront, les abeilles seront dessus pour nourrir les larves et les maintenir à température adéquate). Voyez-vous les oeufs pondus méticuleusement dans toutes les alvéoles au milieu dans la partie supérieure ?

 

cadre centre ruche avant hivernage

De l’autre côté du cadre, avec la même structure. La reine y est venue pondre 1 ou 2 jours avant et ce ne sont plus des oeufs mais des larves, que les ouvrières ont pris en charge (on voit les larves baigner dans la nourriture que les nourrices leur ont préparée)

Nourriture

Ainsi, lors de la mise en hivernage, l’apiculteur doit s’assurer que la colonie dispose de suffisamment de ressources, c’est-à-dire de miel et de pollen.

Nourissement au sirop

En cas de manque de miel, l’apiculteur peut compenser en leur donnant du sirop +/- semblable à du nectar déjà fortement asséché, que les abeilles s’empresseront de stocker dans les alvéoles (et d’assécher encore pour permettre sa conservation). Le terme désignant le fait de nourrir les abeilles s’appellent le nourrissement. En fonction des hivers et de la force et taille des colonies, une colonie consommera de 12 à 20 kg de miel. Un cadre de corps (format dadant) peut contenir jusqu’à 4 kg de miel s’il est rempli complètement. En regardant tous les cadres, il est donc possible d’avoir une idée précise de la quantité de nourriture disponible. Il est aussi possible d’utiliser un peson pour connaitre le poids de la ruche. Si l’on connait le poids de la ruche (de la caisse) et des abeilles (+ cadres et cire), il est possible de connaître le poids des réserves. Attention toutefois que le poids ne soit pas faussé de nombreux cadres remplis de pain d’abeilles !

Pollen

Les abeilles ont besoin de pollen pour l’hiver ; il s’agit de leur source de protéines, nécessaires à l’alimentation du couvain notamment. Elles stockent ce pollen sous forme de « pain d’abeilles », du pollen mélangé à du miel et de ferments lactiques (produits par l’abeille). Ce pain d’abeilles permet une bonne conservation du pollen qui, autrement, moisirait très vite. Il est possible, en cas de manque de pollen, de compléter avec une pâte protéinée ou d’un mélange composé de levure de bière ou de farine de soja. Personnellement, je ne nourris pas en cas de manque de pollen avant l’hivernage. Je préfère m’assurer que la quantité de miel soit bonne (et, dans le cas contraire, compléter avec du sirop) au plus tard pour mi-septembre, de telle sorte à ce que les abeilles puissent consacrer leurs dernières sorties lors de belles journées automnales à la récolte de pollen (pollen de lierre notamment ou du pollen de cultures intermédiaires de pièges à nitrate (CIPAN), telles que la moutarde ou les phacélies).

Qualité

La qualité de la nourriture est beaucoup plus difficile à évaluer mais il faut éviter que le miel soit du miellat, c’est-à-dire du miel fait, non pas à partir de nectar, mais à partir de déjections de pucerons. En effet, le miellat (de sapin, de chêne, etc) est très riche en mélézitose, sucre peu digeste pour les abeilles qui auront besoin de vider leur ampoule rectale régulièrement. En hiver, si les températures extérieures sont trop faibles, elles devront se soulager dans la ruche, souillant dès lors leur habitat et favorisant l’apparition d’une maladie qu’on appelle « nosémose ».

Pillage

A noter que, en période de disette, lorsque les ressources sont rares, les abeilles peuvent piller les autres ruches si elles ne sont pas assez fortes pour se protéger. Il est donc nécessaire de diminuer la taille d’entrée des ruches dès la fin de la récolte. La vidéo ci-dessous montre ce qu’il se passe 1h après avoir oublié des nourrisseurs dans lesquels il y avait encore un peu de sirop.

Reine

Une reine vigoureuse est indispensable pour passer l’hiver. En effet, il faut qu’elle puisse pondre suffisamment en août/septembre pour avoir un nombre suffisant d’abeilles d’hiver (les abeilles devant passer l’hiver ont une constitution plus grasse et vivent plusieurs mois tandis qu’en saison, elles vivent entre 30 et 40 jours).

Arrêt et reprise de ponte

Pendant les hivers rigoureux, si plusieurs semaines de froid s’enchainent, la reine arrête complètement de pondre, ce qui permet de limiter la température interne nécessaire et demande donc moins d’énergie. Au redoux, il est important que la reine puisse reprendre sa ponte. A ce moment-là, une ponte nombreuse et homogène assure un bon développement de la colonie (s’il y a suffisamment d’ouvrières pour s’en occuper bien sûr ; la quantité de ponte dépendant aussi du nombre d’abeilles pouvant s’occuper du couvain). C’est très important car il s’agit d’assurer le renouvellement de la colonie, permettant un passage de flambeau des abeilles d’hiver aux abeilles « d’été ».

Intervention

En cas de mauvaise ponte au moment de la mise en hivernage, la colonie risque de s’effondrer par manque d’abeilles, ne permettant pas d’avoir une température suffisante dans la ruche pour le développement du couvain. Si une telle colonie réussit malgré tout à passer l’hiver, l’apiculteur peut  intervenir lors des premières belles journées de l’année et décidera la plupart du temps de sauver les abeilles restantes en les faisant accepter dans une colonie existante (permettant, au passage, un renforcement de cette dernière). Plus tard dans la saison, il pourra également sauver la colonie en la renforçant (ajout de cadre de couvain naissant, à ne faire que si l’on est certain que le problème vient d’un manque d’abeilles et non d’une reine défaillante) ou en remplaçant la reine. Le mieux est donc de s’assurer d’avoir une reine qui tienne la route avant l’hivernage, en août ou septembre au plus tard, permettant une intervention plus efficace (changement de reine, renforcement de la colonie ou réunion de deux colonies, en étant sûr que la reine gardée dans cette nouvelle colonie soit bonne pour l’hivernage bien sûr !). Hiverner une colonie avec une mauvaise reine équivaut à mettre en danger la survie de la colonie ! 

Reine sur couvain compact operculé

Une reine sur du couvain operculé, donnant bientôt naissance à des abeilles d’hiver

Maladies

Il est important de n’hiverner que des colonies en bonne santé ! C’est le premier rôle et devoir de l’apiculteur : détecter les problèmes de santé de ses colonies (dans lesquelles de nombreux virus et bactéries circulent sans forcément déclarer de maladies ; le développement de celles-ci est souvent lié à un déséquilibre, un manque dans la ruche, ou simplement à cause de la faiblesse de la colonie) ! C’est donc au quotidien, et non pas uniquement lors de la préparation à l’hivernage que l’apiculteur veille à l’absence de maladie de ses colonies !

Varroa destructor

Une maladie présente un caractère différent, il s’agit de la varroase. La varroase est une maladie caractérisée par la présence d’un acarien : le varroa destructor. Son nom en dit long sur ses conséquences, et il s’agit de l’ennemi numéro 1 de l’abeille mellifère. Je détaillerai plus en détails ce parasite dans un article futur. Ce parasite est arrivé en Belgique début des années 1980 d’Asie. Il est actuellement présent dans toutes les ruches du pays et serait la cause principale des nombreuses mortalités relevées. Cet acarien a un effet délétère sur les colonies d’abeilles, mais seulement sur le long terme (une ou plusieurs années), ce qui fait de lui un ennemi pernicieux, une grande infestation pouvant passer inaperçue! Cet acarien se reproduit dans le couvain operculé, et pique les larves et les abeilles pour se nourrir non pas de l’hémolymphe (sang de l’abeille) comme on l’a longtemps pensé, mais essentiellement du corps adipeux (la graisse). Ainsi, les varroas détruisent lentement la colonie, en affaiblissant de + en + d’abeilles au fur et à mesure de l’augmentation de l’infestation, facilitant la transmission de virus et des maladies qui en découlent, notamment celle des ailes déformées.

Lutte contre le varroa

Différents méthodes de lutte existent, comme l’utilisation de certains acides (oxalique et/ou formique, traitement approuvé dans la filière « bio »), de thymol (également accepté en « bio ») ou d’acaricide (dont le plus utilisé à travers le monde, l’amitraze ; à noter qu’aucun traitement à base de cet acaricide n’est vendu en Belgique). Ces traitements doivent se faire sur plusieurs semaines/mois, étant donné que le varroa se développe dans des cellules operculés, et qu’aucun de ces produits ne traverse les opercules de cire ! Pour conserver une qualité irréprochable du miel, il est interdit d’appliquer des traitements lors de la présence des hausses (dans lesquelles se trouve le miel que l’on récolte). Ils doivent donc être appliqués dès la fin de la récolte! Le nombre de varroas y est en effet déjà important et les colonies peuvent déjà être en partie affaiblie par lui. Puisqu’il faut plusieurs cycles de couvain pour tuer la majorité des varroa, c’est vraiment important de commencer la lutte contre le varroa dès la fin de la récolte afin d’avoir des abeilles d’hiver pleine de vigeur !

A noter que des bonnes pratiques en saison permettent de contenir la propagation du varroa et d’éviter que la colonie ne soit trop affaiblie lors de la mise en hivernage.

Pour connaître l’état d’infestation de la colonie par varroa, une méthode de comptage consiste à glisser une planche sous la ruche, tous les varroas morts tomberont dessus. Après 24h, il n’y a plus qu’à compter. Chaque petit point rouge foncé est un varroa. Il y en a plus de 50 sur l’image.

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